Pour rendre l'hôpital public plus attractif auprès des médecins, Hublo propose 4 leviers d'action identifiés lors de recherches approfondies et d'interviews de professionnels du secteur hospitalier.
L’attractivité médicale constitue un défi important pour les décideurs de la santé publique. Les professions médicales sont confrontées à de nouvelles problématiques : incertitude des perspectives d’évolution, statut hospitalier accusé d’être trop rigide, inégalité des rémunérations, « lourdeur de la permanence des soins » ressentie par le personnel médical, etc. Pour compenser les postes vacants, l’hôpital public est alors souvent contraint de faire appel à l’intérim médicale, une solution onéreuse, non sans conséquence pour la QVT au sein des services.
En croisant nos recherches documentaires avec des entretiens auprès de directeurs d'hôpitaux, nous avons identifié 4 leviers d’action permettant de consolider l’attractivité médicale d’un hôpital :
Pour cela, capitaliser le lien ville-hôpital est primordial. En effet, les hôpitaux publics sont accusés de ne pas être assez ouverts vers l’extérieur et ainsi de ne pas être intégrés dans leur territoire. C’est pour cela que Ma santé 2022 invite l’hôpital public à adopter une approche territoriale par une multiplication des coopérations de proximité entre la ville et l’hôpital mais aussi entre établissements publics et privés.
Questionné sur la thématique du lien ville hôpital, Sébastien Tréguenard, directeur adjoint du CHU d’Angers a souligné l’importance du lien ville hôpital pour améliorer l'attractivité de l’hôpital public.
Perfectionner, améliorer et capitaliser sur ce lien est absolument déterminant. Cela passe par la mise en place d’une formation médicale continue ouverte à la médecine de ville pour que les praticiens hospitaliers puissent rencontrer et échanger avec leurs confrères installés en ville.
En outre, le lien ville-hôpital permettrait de rendre l'hôpital plus attractif pour des spécialistes de la médecine de ville, en quête d’activité interventionnelle, exploratoire et d’expertise.
En 2016, l'APHP a lancé un programme « médecins-partenaires » qui met en relation des médecins de ville avec des médecins séniors de l’hôpital par le biais de lignes téléphoniques directes, pour organiser des admissions directes en hospitalisation. La création de ces réseaux de professionnels est l'un des exemples qui permet de lier la ville et l’hôpital et donc de décloisonner son établissement, améliorant son attractivité.
Un deuxième point capital pour cette première action est de développer une stratégie territoriale. Pour cela, la mutualisation des ressources médicales, dans une équipe dite partagée, permettrait de compenser les postes vacants et par un cercle vertueux, d’attirer de nouveaux professionnels qui ne craindraient plus d’intégrer un hôpital isolé.
Pour Sébastien Tréguenard, l’établissement support doit être moteur de l’attractivité médicale des établissements parties :
La responsabilité des hôpitaux support de GHT est de plus en plus une responsabilité territoriale. Dorénavant, les carrières hospitalières doivent se concevoir à l’échelle d’un territoire, et non plus d’un seul établissement. La notion d’engagement tout au long de sa carrière avec l’établissement qui vous a formé ou recruté n’est plus intangible : ce virage culturel, qui peut déstabiliser les jeunes médecins, doit être accompagné et expliqué.
Ainsi, pour recruter les internes, les hôpitaux parties au GHT ont adopté une modalité d’exercice médicale partagée avec le CHU support, mieux doté en équipement médical de pointe.
De plus, travailler avec les élus sur la construction d’une stratégie territoriale pour attirer les médecins est un point à ne pas négliger. En effet, il faut attirer le personnel médical de vivre dans ladite ville. Le potentiel professionnel veut pouvoir se projeter (construire une famille, loisirs, etc.) et pour cela, l’hôpital ne peut qu’encourager les acteurs de la région à rendre celle-ci attractive.
Il est important d'identifier les besoins individuels des professionnels médicaux et de les accompagner. Selon une enquête publiée par le TNS Sofres* et le SIPH* : les jeunes internes ne veulent plus avoir un métier à vie, en raison de la pénibilité accrue et de l’opposition ferme à travailler dans un territoire non choisi. De plus, il est difficile de rivaliser avec les établissements de santé privés. Les DH doivent donc établir de véritables stratégies salariales pour fidéliser les jeunes professionnels médicaux. Pour rester attractif, il convient donc d’écouter et comprendre les besoins des praticiens par des rencontres avec la direction des affaires médicales et un médecin déjà installé à l’hôpital. Ces dialogues permettent d’identifier les besoins et les projets et d'ainsi les prioriser en valorisant l’intérêt d’une carrière dans la fonction publique hospitalière.
François-Jérôme Aubert, Directeur des affaires médicales du CHU de Limoges, a rappelé par exemple que l’hôpital public peut jouer la carte de la spécialisation de ses activités pour recruter :
À la clinique, les praticiens ne font pas toujours des activités très diversifiées, il faut donc amener le praticien à faire la balance entre la rémunération qui sera plus importante dans le privé et une activité plus intéressante dans le public.
Tout professionnel a ses projets, et il est donc fondamental de générer chez le professionnel de santé une projection afin de les attirer dans l'hôpital. L’hôpital public doit déployer un accompagnement individualisé des professionnels de santé autour de leur projet. La perspective d’une carrière publique doit alors être visible dans ses enjeux et ses difficultés. Par exemple, la perspective de devenir PU-PH doit être préparée sur le long terme et réalisée en coopération avec la faculté de médecine.
Pour Sébastien Tréguenard, il faut développer un accompagnement structuré pour obtenir les prospectives les plus fines possibles :
Une commission des carrières hospitalières, voulue par le président de la CME, a permis d’auditer les candidats à des postes médicaux, de s’assurer de la cohérence de leur candidature vis-à-vis du projet médical de l’établissement.
*TNS Sofres : entreprise de sondages français
*SIPH : Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris
Les nouveaux arrivants sont parfois lâchés dans un hôpital qu’ils ne connaissent pas avec des personnes qu’ils ne connaissent pas. Ceci peut en effrayer quelques-uns et il faut donc les intégrer par des journées d’accueil, des moments de convivialité organisés avec le personnel médical déjà présent.
Pour François-Jérôme Aubert, directeur des affaires médicales au CHU de Limoges, l’intégration dans un groupe est capitale :
La médecine c’est un sport d’équipe. J’ai pu recruter des anesthésistes provenant d’une clinique de taille modeste. Or, dans une telle situation, les praticiens ne se sentent pas en sécurité ; ils craignent de commettre des erreurs, ne bénéficiant pas des avis spécialisés dont ils ont besoin. Au CHU, dans une équipe importante et avec des services de spécialité étoffés autour d’eux, ils gagnent en sérénité et en qualité de travail.
Ensuite, la construction d’un processus d’intégration avec des étapes clés et des points d’analyse à chacune d’elle permet une intégration efficiente du personnel médical et ainsi la qualité de vie au travail a plus de chance d'être meilleure.
Enfin, pour les professionnels de santé, la qualité de vie au travail correspond à la qualité de l’environnement au travail. C’est-à-dire le mobilier, les équipements biomédicaux, les espaces dédiés à la détente ou au sport.
Pour Sébastien Tréguenard, pour être attractif, un hôpital doit :
Présenter des infrastructures attrayantes pour les professionnels (équipements biomédicaux particulièrement, mais également modernité des locaux), de manière à leur permettre de réaliser leur activité correctement, selon les standards du moment.
Pour qu’un hôpital public soit attractif pour les médecins, l’existence d’une communauté hospitalière forte peut être un atout. Cependant, la diffusion des valeurs traditionnelles ne suffit plus, il faut comprendre les aspirations des nouveaux professionnels et les valeurs des nouvelles générations.
Selon le directeur des affaires juridiques d’un établissement, l’hôpital doit s’intéresser à des thématiques comme la RSE, le recyclage, le locavore (alimentation issue de produits cultivés à proximité du lieu de consommation). Le directeur des affaires juridiques en témoigne :
J'ai rencontré récemment un certain nombre de jeunes médecins qui étaient très intéressés par le développement durable, que j'essaie de mettre en place à l’hôpital. S’ils hésitent à partir, un tel projet peut les faire rester.
Le renforcement de la communauté hospitalière doit également s’appuyer sur les TICS (technologies de l'information et de la communication). En effet, la télémédecine et la télé-expertise sont deux outils qui ont permis de rendre les hôpitaux plus attractifs.
La télémédecine, par exemple, permet de lutter contre l’isolement ressenti par les professionnels de santé au sein d’établissements esseulés. C’est le cas du centre hospitalier de Valenciennes qui a mis à disposition les outils téléAVC et télépalia qui permettent de recréer le lien avec des professionnels de santé éloignés de ce GHT très étendu, aux établissements éclatés sur le territoire.
Quant à la télé-expertise, disponible depuis février 2019, elle peut encourager un médecin à demander l’avis d’un confrère pour répondre à une situation donnée. La facilitation des échanges accélère ainsi la prise en charge des patients.