Entre pénurie de soignants et métiers en forte tension : comment rendre son hôpital attractif ?
Les établissements de santé sont confrontés depuis quelques années à une problématique qui pèse de plus en plus sur leur bon fonctionnement : la difficulté à attirer et à recruter des professionnels de santé. L'enjeu s'avère d'autant plus compliqué que plusieurs métiers sont de plus en plus rares sur le marché du recrutement ; on parle aujourd'hui de pénurie d'IDE, d'aide-soignants, de manipulateurs radio... Pour palier ces difficultés de recrutement, et déjouer la concurrence de plus en plus rude avec les autres établissements de santé, l'hôpital doit alors mettre en oeuvre de nouveaux dispositifs afin de se rendre plus attractif auprès des professionnels de santé.
L'attractivité des établissements de santé passe désormais par la mise en place d'une véritable stratégie de communication, et le développement de leur marque employeur, à l'instar de ce qui existe traditionnellement dans la plupart des entreprises privées. Les stratégies de recrutement doivent également être revues pour s'adapter au mieux aux différents métiers, qui nécessitent chacun un parcours spécifique. De manière générale, c'est toute la politique RH qui doit être modernisée afin de correspondre aux attentes des professionnels et aux valeurs de notre société actuelle. Enfin, l'attractivité des établissements de santé passe aujourd'hui plus que jamais par leur capacité à se saisir des innovations technologiques à même de fluidifier leur fonctionnement interne, et d'améliorer ainsi la qualité de vie au travail de leur personnel tout en optimisant leur fonctionnement général.
À l'heure où le libéral constitue une tentation de plus en plus forte auprès des professions médicales et paramédicales, la communication représente un atout essentiel pour capter l'attention des professionnels. Qui plus est, les établissements de santé bénéficient d'un atout important : celui de proposer des métiers qui ont un sens et qui peuvent refléter une véritable vocation, dans un contexte sociétal où cette question est clé ; nombreux sont ceux qui recherchent un métier leur permettant à la fois de s'épanouir tout en se rendant utile au reste de la société. De nombreux éléments propres aux carrières du secteur public peuvent être mis en avant : les valeurs, les relations que l'on noue à l'intérieur des équipes, celles que l'on développe avec les patients... Pour Rémi Heym, Directeur de la communication du CHU de Rouen, un établissement de santé attractif fait en sorte de diffuser les valeurs de la communauté hospitalières :
Si on veut motiver le personnel au-delà des éléments liés aux salaires, ou aux primes, il faut travailler sur la valorisation de leur travail, et être en accord avec leurs valeurs. Par ailleurs, leurs valeurs doivent rencontrer celles de l’hôpital.
Le quotidien des métiers propre au secteur médico-social peut être mis en avant de manière habile sur diverses plateformes, telles que les réseaux sociaux, qui représentent aujourd'hui un levier de communication important auprès des potentielles recrues. Lors d'une enquête réalisée auprès de 2000 soignants inscrits sur Hublo en mai 2021, 73% pour d'entre eux ont par exemple indiqué être utilisateurs du réseau social Facebook. Le déploiement d'une telle communication participe d'une stratégie d'attractivité et de recrutement proactive : face à la difficulté croissante à recruter auprès des métiers médicaux et paramédicaux, les établissements de santé ne peuvent plus se contenter d'activer des mécanismes de recrutement au moment où les besoins émergent. Il est aujourd'hui nécessaire d'être dans l'anticipation et de les cultiver sur le temps long.
Le CHU de Rouen a par exemple adopté cette logique avec succès, en faisant de sa dizaine de milliers d'employés des ambassadeurs de leur établissement. L'établissement diffuse régulièrement sur ses réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles ces derniers parlent positivement de la structure, et de la réalité de leur activité au quotidien. Ce type de témoignage constitue un vecteur d'attractivité précieux auprès des potentielles recrues, bien plus impactant que s'il provenait du DRH de l'hôpital ou toute autre figure de l'encadrement, puisqu'ils peuvent ainsi réellement s'identifier et se projeter dans le poste recherché. Une telle stratégie de communication permet à l'établissement de santé de mettre en avant tant les atouts de sa structure que les forces de son collectif de travail, deux éléments clés dans la recherche d'un candidat.
On parle de marque employeur pour désigner la réputation d'une marque sur le terrain de l'emploi et du recrutement. Ce concept recouvre notamment la manière pour un établissement de traiter ses employés ou le degré d'épanouissement auquel ils peuvent y prétendre. Puisque le rapport de force est au profit des candidats, les établissements doivent aujourd'hui plus que jamais mettre en avant leur marque employeur par rapport à la concurrence, s'ils souhaitent attirer les professionnels de santé et parvenir à recruter les meilleurs profils. La crise sanitaire a par ailleurs contribué à mettre en exergue la perception globalement négative qui entoure l'hôpital en tant qu'employeur, à travers le fort contraste entre l'excellente image dont ont bénéficié les soignants, et le regard critique à l'encontre de leurs conditions de travail.
Une véritable démarche de revalorisation des professions du soin doit être mise en oeuvre au sein des établissements de santé, qui ont jusqu'à présent été davantage centrés sur leur mission vis à vis des patients. Il importe aujourd'hui de s'intéresser aux attentes et aux aspirations des professionnels de santé, afin d'être non seulement en mesure de leur faire des promesses adéquates, mais également de s'organiser pour faire en sorte de parvenir à les tenir. La mise en valeur d'un tel engagement auprès de son personnel constitue un levier d'attractivité important auprès des potentielles recrues, par rapport à un établissement figé dans une approche uniquement centrée sur le parcours du patient. La marque employeur représente à ce titre le nouveau pivot de la gestion des ressources humaines, selon Rémi Heym :
Il faut être attractif, ne pas se contenter de poster une annonce de recrutement pour un poste d’IBODE. Tous les hôpitaux recherche des IBODE. Il faut donc se démarquer, au-delà du poste, promouvoir un établissement, des valeurs, des conditions de travail... Bref, tout un environnement attractif.
Dans un contexte de fortes tensions sur plusieurs métiers du médical et du paramédical, le rapport de force ne joue pas en faveur de l'hôpital, qui a donc tout intérêt à mettre toutes les cartes de son côté dès les prémices du processus de recrutement. Cela passe d'abord par un traitement personnalisé des candidatures et une gestion des viviers de candidats dans le temps, afin d'être capable de réactiver celles jugées pertinentes lorsque la perspective d'un besoin futur émerge. Les différents parcours professionnels doivent également appeler différents processus de recrutement, adaptés aux profils. Il s'agit en effet d'être en mesure de proposer aux candidats une carrière qui corresponde à leurs aspirations, et de leur proposer des perspectives d'évolutions cohérentes avec leur projet professionnel, tout en étant effectivement réalisables.
La question de la mobilité professionnelle ne doit pas être négligée, puisqu'il s'agit d'une composante de plus en plus importante aux yeux des professionnels de santé, qui peut potentiellement jouer sur leur choix d'une structure par rapport à une autre. L'établissement de santé doit faire clairement savoir que les carrières qu'il propose ne sont jamais figées, et promouvoir une politique de mobilité clairement définie, qui permette à son personnel de développer de nouvelles compétences et savoirs-faire à travers un parcours de mobilité fluide et bien encadré. Il est à ce titre important de pouvoir donner aux professionnels de santé une visibilité concrète sur les dispositifs de promotions et de mobilité, afin non seulement de les informer sur leur mise en oeuvre, mais également de les rassurer quant à leur pertinence et leur adéquation par rapport à leurs propres aspirations. Cliquez ici pour découvrir quelques astuces concrètes pour favoriser la mobilité des professionnels de santé.
L'accueil et l'intégration des nouvelles recrues au sein de leur nouveau service d'activité doit faire l'objet pour l'encadrement d'une véritable réflexion, et se traduire par un ensemble d'actions pertinentes pour les faciliter au mieux. En effet, la manière dont les professionnels de santé sont reçus à leur arrivée impacte significativement tout le reste de leur expérience au sein de l'établissement, au niveau de leur productivité comme de leur ressenti personnel. Le soin apporté à leur accueil constitue la clé de voûte d'une intégration réussie, à même d'optimiser les échanges avec le reste de l'équipe et donc la prise de poste. Les établissements de santé ont ainsi tout intérêt à organiser un véritable processus d'onboarding et à le déployer pour chaque nouvel arrivant. Sébastien Tréguenard, Directeur général adjoint au CHU d'Angers, insiste sur ce point :
Un hôpital attractif, indépendamment de la catégorie de professionnels qu’on souhaite attirer ou retenir, c’est un hôpital qui prend en considération les modalités d’accueil des nouveaux venus.
La modernisation de la politique RH passe également par la priorisation de la qualité de vie au travail du personnel, car le degré de bien-être que la structure veille à leur garantir au quotidien constitue aujourd'hui un enjeu majeur d'attractivité comme de fidélisation. Aurélien Delas, auteur de l'article de recherche "L'Hôpital public, un nouvel acteur territorial entre aménagement sanitaire et rivalités stratégique" paru dans la revue Hérodote, en est convaincu :
Un management attractif permet à chacun de trouver sa place et ses marges de manœuvre. Il doit être intégratif, participatif, faciliter le développement du sentiment d’appartenance, par delà les différences professionnelles. Il faut le penser comme une source d’attractivité afin d’éviter des taux de fuite importants chez les jeunes professionnels.
Il faut par ailleurs se défaire du pilotage par le chiffre et par la note, véritables vecteurs d'angoisse et de dévalorisation du personnel, qui n'engendrent pas nécessairement de surplus de productivité. L'accent doit être davantage mis sur la valorisation de l'engagement et de la montée en compétences ; il convient ainsi de recréer un cadre de confiance mutuelle entre le personnel et son encadrement pour stimuler l'intéressement individuel et collectif par rapport à l'activité professionnelle. De nombreuses études ont en effet démontré ces dernières années que le "management bienveillant" représente la voie idéale pour un bien-être individuel et collectif au travail, se traduisant généralement par un meilleur effort au travail et une productivité optimale. La Haute Autorité de Santé a d'ailleurs récemment décidé d'inclure dans sa grille d'inspection des établissements de santé l'évaluation de la qualité de leur management, étant attendu qu'il soit à la fois participatif et bienveillant.
Une fonction attractive doit être moderne et donner à ses acteurs les moyens d'effectuer leur travail efficacement. Le Ségur de la santé a remis sur la table l'enjeu du numérique et la nécessité pour les établissements de santé d'être en mesure d'acquérir des outils technologiques à même de fluidifier leur organisation interne ; en témoignent les 19 millions d'euros de financement prévus à cet effet. En investissant dans des outils numériques qui facilitent le management, la collaboration et la communication, l'hôpital fait d'une pierre deux coups : il améliore sensiblement la qualité de vie au travail de ses employés, et bénéficie d'une meilleure productivité qui à son tour impacte positivement la prise en charge globale des patients.
Il existe souvent un contraste saisissant entre la technologie de pointe utilisée par le corps médical pour le soin des patients, et les outils rudimentaires qui permettent à l'encadrement et aux professions paramédicales de gérer leur organisation globale et de communiquer entre eux. En choisissant de ne pas limiter ses investissements technologiques à la médecine pure, l'établissement de santé peut grandement gagner en attractivité auprès des professionnels de santé, puisqu'il témoigne ainsi d'une réelle volonté de valoriser leur métier et de leur donner les moyens d'exercer au mieux leur activité, dans les meilleurs conditions possibles. Comme le souligne une Directrice d'hôpital interviewée dans le cadre de la rédaction de notre livre blanc "12 actions pour rendre l'hôpital attractif de nouveau" :
Il n’y a pas de raison que les moyens et outils des employeurs privés ne fonctionnent pas à l’hôpital, avec parfois une nécessaire adaptation. Ces outils touchent en particulier la plus jeune génération qui arrive sur le marché du travail.